Miroir mon beau miroir
Alors, il fait comme tout le monde Kasso, il profite de sa célébrité pour passer à la télé. Pour dire ce qu’il a sur le cœur. Parce que je rappelle que pour dire ça, Mathieu Kassovitz se trouve à la télé. Dans le petit écran qu’il décrie tant. Et qu’on l’a invité là parce qu’il s’appelle Mathieu Kassovitz.
Après, il part sur Sarkozy, sur le fait que pendant l’été, Sarkozy va faire passer une loi qui autorisera les policiers à rentrer dans les écoles, pour chercher les petits noirs, les petits arabes et les renvoyer dans un pays qu’ils n’ont jamais connu. Mathieu Kassovitz dit qu’il ne faut pas se voiler la face, que si on laisse passer ça on est « comme les américains », George Bush- Nicolas Sarkozy, même combat ! On ne parle plus du tout de cinéma là. On n’en a pas beaucoup parlé d’ailleurs, à part l’analyse technique d’un plan de la Guerre des Mondes de Spielberg, et les projets d’adaptation de Babylon Babies…
Quitte à passer à la télé, Mathieu dit tout ce qu’il a sur le cœur. Et, plus fort encore, Isabelle Giordano, conclut, tout sourire, d’un même ton, égal et joyeux de la parfaite maîtresse de cérémonie: "Merci d’être venu vous exprimer, Mathieu Kassovitz, merci d’avoir choisi Jour de Fête pour faire passer vos opinions, et surtout, j’espère vraiment que tout le monde vous aura entendu".
C’est dit d’un air tellement jovial, tellement attendu, comme une transition nulle de sens, comme d’habitude quoi, qu’on met un moment à réaliser qu’elle vient, elle aussi, d’exprimer une opinion. De prendre position. Paf. L’air de rien.
On se demande même si elle s'en est rendu compte, tant son ton n'a pas varié d'un poil. Ca ouvre même un autre débat : peut-on tout exprimer d'un ton égal et avec le sourire ? Est-ce que des opinions extrêmes ou dérangeantes ou engagées auraient le même impact si elles étaient dites avec le sourire d'une Isabelle Giordano ? Parce que Kassovitz, durant l'interview, il s'est animé, il s'est énervé, il a haussé la voix, ses gestes, sa posture, son attitude générale ont véhiculé ses propos. Mais Isabelle, non. Isabelle dit (si je traduis bien) "J'espère que tout le monde aura bien entendu la comparaison que vous venez de faire entre Bush et Sarkozy" de la même manière qu'elle aurait dit "J'espère que tout le monde ira voir votre film". Les téléspectateurs ont-ils entendu la première ou la deuxième version ? Sont-il allé au-delà des apparences ? Ce qui est sûr c'est que Mathieu Kassovitz l'a entendu, lui. Parce qu'il la regarde avec un air à la fois interloqué, et ravi.